
Viljian était assis sur une terrasse et fumait sa pipe lorsque le bateau arriva au port de Cabestan, accompagné du remue-ménage habituel. Quantité d'individus allaient et venaient sur le débarcadère portant des caisses, guidant des montures, le tout accompagné de cris, d'exclamations, d'injures. Parmi les voyageurs, un gobelin débarquait menant par la main une petite troll, presque bébé. La fillette trainait derrière, visiblement mécontente de devoir le suivre. Le gobelin se retournait et la tirait pour l'inviter à se dépêcher. Il avait l'air de très mauvaise humeur. Viljian reconnut que c'était Quixitt, vieux commercant spécialisé dans les produits de la jungle. Lorque Quxitt se rendit compte qu'il était observé, son comportement changea. Il se fit plus doux avec la petite et un sourire se dessina sur son visage. Il se dirigea vers le vieux troll.
- Bonjour maître Viljian. Comment ca va aujourd'hui ? Les affaires sont bonnes ? - Bien bien. Et toi Quixitt ? Où as-tu trouvé cette trollette ? - Oh maître Viljian, pauvre petite, fit le gobelin en tendant sa main pour caresser la tête de la fillette, ce qui a fallu lui coûter une morsure au doigt. C'est une orpheline. Après quoi Quixitt se mit à raconter en long et en large une histoire assez invraisemblable dont il était le héros. La troll serait fille d'un chef de tribu de la jungle. Mais sa famille fut capturée par une tribu de cannibales. Les parents étaient déjà mangés, et la fiellette devaient être sacrifiée aux dieux. Quixitt l'aurait échangée contre tout son stock de marchandises. Le gobelin racontait avec un vrai talent d'acteur (ou de commercant ?). L'expression de son visage et l'intonation de sa voix suivaient les retournements de l'histoire tant et si bien que Viljian finit par s'en émouvoir, se souciant peu de chercher à distinguer le vrai du faux. - Pauvre petite ! C'est une fille de chef, une princesse. Comment vais-je faire pour lui donner une bonne éducation, comme elle mérite ? Je suis presque ruiné... , se lamentait le gobelin. Il savait qu'il touchait là une corde sensible. Viljian était un notable de Sen'jin, homme de confiance du sorcier docteur. Le destin lui avait donné tout ce qu'on peut désirer en ces temps troubles : une longue vie, le respect et une bonne situation. Mais aucune de ses trois femmes successives n'avait pu lui donner d'enfant, il était condamné à mourir sans descendance. Il avait toujours rêvé d'un fils. Mais voilà que, voyant cette petite princesse, son imagination se mit à travailler. Avec le sang noble qui coule dans ses veines et une bonne éducation, elle ferait l'épouse idéale pour le fils du sorcier docteur. - Cette petite serait mieux chez les trolls, maître Quixitt. Je peux bien m'en occuper. En entendant cette proposition, un éclat malin apparut dans l'oeil du gobelin, tandis que son visage fit une expression étonnée. - Comment ? Vous voulez que je vous la donne ? Mais ... je m'y suis habitué moi, à cette petite. Elle va me manquer, disait-il en essaynt de caresser la joue de la trollette sans se faire mordre. C'est ainsi que, après quelques marchandages, Viljian repatit portant la petite mais allégé de plusieurs pièces d'or.
Viljian décida de l'appeler Zen'din, comme sa première femme défunte, la belle et douce Zen'din. Mais, comme on le sait, le nom ne définit pas le caractère; c'est même parfois le contraire qui arrive. Si Zen'din était une princesse, ca ne se voyait pas du premier coup d'oeil. Elle était plutôt sauvage, et il a fallu beaucoup de patience pour lui apprendre à ne pas mordre quiconque l'approche. Au bout de quelques années, elle finit par comprendre la langue des Sombrelance, mais ca ne la rendit pas plus sociable. Elle ne semblait rien se rappeler de son passé, à part quelques chants dans une langue incompréhensible. Les lecons de couture et de cuisine ne l'intéressait pas, et elle profitait de toute inattention de ses gouvernantes pour s'échapper et aller courir dans les champs. Mais le plus inquiétant était son goût pour les fétiches. Zen'din décorait ses cheveux et ses vêtements avec des plumes et des herbes séchées et se fabriquait des colliers des petits os d'animaux morts. Les trolls du village l'avait surnommée la Zeloun (la sauvage), et les mauvaises langues disaient que c'était une sorcière vaudou. Plus d'un s'étonnait qu'elle ne fut pas mangée par les animaux sauvages, et certains prétendaient l'avoir vue survivre à des morsures de serpent. Avec le temps, Viljian abandonna ses beaux projets sur l'avenir de Zen'din et la laissa libre. Il se contentait de lui offrir la nourriture et un toit. Un jour vers sa 15ème année Zen'din disparut. Certains disaient l'avoir apercue du côté de l'Antre. Viljian était triste, car malgré tout il avait aimé sa fille adoptive. Mais il se dit qu'elle ne s'était jamais sentie chez elle ici, et la laissa partir.
Un jour Zen'din s'était fort éloignée du village et fut surprise par un orage violent. Se dirigeant vers une grotte proche, elle se blessa le pied. Avec beaucoup d'efforts elle réussit à s'abriter dans la grotte mais ne parvint pas à allumer de feu pour se réchauffer, et tomba malade. Elle avait l'habitude de chanter les chants de son enfance quand elle ne se sentait pas bien, ce qui avait toujours pour effet de la réconforter. Mais le froid lui avait donné mal à la gorge et elle était devenue aphone. Elle finit par s'évanouir. Elle fut trouvée par un orc de l'Antre qui la ramena au chaud et la mit au soins de Ken'jai, le maître des prêtres. Guerrie de son mal à la gorge, Zen'din recommenca à chanter. A partir de ce moment, son état s'améliora très vite, ce qui ne manqua pas d'attirer l'attention de Ken'jai. A l'Antre on n'a pas assez de ressources pour nourrir une gorge de plus. On fit comprendre à Zen'din qu'elle devait mériter son pain, et lui donna différentes tâches à faire. Pendant ce temps, Ken'jai avait gagné sa confiance et commenca à lui apprendre la voie des prêtres.
Un jour, alors qu'elle s'aventurait du côté de Tranchecolline, Zen'din vut un être très étrange: il était presque aussi grand qu'un troll, mais se tenait debout. Ses yeux brillaient, sa peau était rose et il avait de grandes oreilles. Ses cheveux tombaient sur ses épaules, comme les cheveux d'un orc. A la vue de cette créature, Zen'din fut gagnée par une haine incontrollable et se jeta sur la peau rose, l'assaillant de coups de masse. Mais le créature était plus forte et Zen'din se retrouva vite par terre, grièvement blessée. Cependant, elle ne devait pas mourir ce jour. Un guerrier troll, fort et souple, aux cheveux rouges brillants et bien hérissés et aux longues défenses pointues, se rua sur la peau rose, et le chassa au loin. Zen'din en profita pour prendre soin de ses blessures et fut vite sur pied. Le guerrier se présenta à elle au nom de Vapracc. Puis il lui lui posa une question qui devait changer sa vie. C'était une question toute simple: - Est-ce que ca se fie ? Mais cette question n'était pas prononcée dans la langue des Sombrelance, ni dans celle des orcs que Zen'din comprenait un peu. Pourtant, elle en compris le sens. Et elle sut que c'était sa langue, celle de ses chants d'enfance. Tandis ce que Vapracc lui parlait, Zen'din se souvait. Elle se souvint d'arbres, de verdure, d'humidité, de chants d'oiseaux, de parfums fruités, du bruit de la mer. Elle se souvint de son chez soi. Vapracc n'était autre que le chef des Zuldazar. Il lui avait parlé en Zuldazar (qui est un dialecte du Zandali). Zen'din était une Zuldazar. Enfin, elle retrouvait les siens.
Bientôt, Zen'din rencontra les autres membres de la tribu. Tzantza lui parla du vaudou, de Zan'za et des autres loa, et Zen'din se promit de suivre la voie de Lukou, celle qui connaît tous les secrets des soins. La vie dans la jungle était d'apparence insouciante, les fêtes vaudou se succédaient à la chasse à l'elf et à l'homme. Tous se préparaient au grand jour où ils iraient combattre le Dieux Sanglant. Mais diverses épreuves attendaient les Zuldazar, épreuves auxquelles la tribu ne survécut pas. D'abord, Vapracc les quitta pour se marier à une princesse des îles. Puis, des disputes commencaient à éclater entre les membres de la tribu. Certains voulaient chercher l'aide des autres peuples, d'autres restaient méfiants et cultivaient la haine envers toutes les races à part les trolls. Vapracc revint, mais il n'était plus le même. Il créa un empire, réunion de plusieurs tribus et organisations, mais après il abdiqua et l'empire fut dissout.
Pour la seconde fois, Ken'jai lui vint en aide. Beaucoup de prêtres savent gérer les ombres, mais Zen'din n'en était apparemment pas capable, et l'emprise de l'Ombre la faisait souffrir. Après l'avoir soignée pour la remettre sur pied, Ken'jai entrepris à enlever la racine du mal. Car le vraie souffrance de Zen'din était la haine. La haine qu'elle éprouvait pour les elfs et les humains, mais aussi la méfiance et le mépris envers les orcs et autres alliés dans la Horde. Grâce à la patience de Ken'jai, Zen'din apprit sinon à aimer, au moins à respecter les autres races de la Horde, à venir en aide à ceux qui ont besoin, à partager. Elle apprit à lire et à écrire, et à parler l'orc correctement. Un jour, elle était prête à repartir pour de nouvelles aventures.
Zen'din avait perdu tout ami. Les Zuldazar s'étaient éparpillés de par le monde, certains avaient disparu. Elle décida de s'engager auprès d'un groupe d'aventuriers, Les Thanatonautes, qui cherchaient des soigneurs pour compléter leurs rangs. Mais une autre rencontre devait changer sa vie. Zen'din croisa le général Arkansas, un respcapé des Zuldazar. Le général lui parla du Bataillon, et Zen'din quitta les Thanatonautes pour devenir soldat. Voici un témoignage recueuilli récemment de la bouche de la prêtresse: « Sii, ca est une bonne décision. Zen'din très contente depuis que ca est soldat. Au début ca est dur, ca doit éplucher des patates, balayer... Mais après ca peut combattre avec les compagnons. Et puis ca a trouvé plein d'amis, siii... »
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