Les loisirs fantastiques
Quand j’étais encore collégien, je lisais énormément de romans fantastiques, je découvrais des univers issus de l’imaginaire de grands auteurs. Toute cette culture provenant des chapitres de J.R.R. Tolkien, d’Isaac Asimov ou encore d’Herbert, de J.G. Arnaud, de Barjavel m’a toujours fasciné. D’ailleurs cet art si subtil qui consiste à vous plonger dans un monde totalement différent, ou vous vous mettez à côté d’un héros ou d’une héroïne vivant des aventures dangereuses et palpitantes …. alors que vous êtes bien au chaud dans votre chambre ou encore en plein milieu des transports : tout ceci révèle une maîtrise du récit absolument extraordinaire. Pourtant ce savoir faire qui se transmet depuis les premiers écrits de notre espèce pourrait sembler bien commun par son caractère intemporel, comme si nos auteurs avaient toujours su faire cela.
N’êtes vous pas déjà tombé en émerveillement devant le dénouement d’une histoire bien ficelée ? Je ne peux pour cela qu’illustrer deux genres de fins de récits qui me donnent à chaque fois des frissons.
Le premier exemple sera volontairement assez connu : la fin de la très célèbre trilogie du Seigneur des anneaux. Sans faire de spoiler pour celles ou ceux qui n’auraient ni lu les livres ni vu les films (pourtant très bien adaptés), ce genre de fin qui vous dévoilent la continuité d’une histoire, ou vous sentez peu à peu les personnages vous échapper pour retourner dans leur histoire tels des apparitions matinales fugaces qui s’estompent dans le crépuscule de l’ombre de la dernière page d’un bon roman. J’aime particulièrement ces histoires qui ponctuent dignement une aventure ou une intrigue et qui cependant vous invitent à imaginer ce qui se passera par la suite, une sorte de fin ouverte mais laissant totalement le lecteur libre d’entrevoir le futur de ce monde que l’on a parcouru pendant tant de pages.
Pour second exemple, je prendrai la fin du cycle de Fondation d’Isaac Asimov. La dernière page est pour moi un chef d’œuvre absolu de ce que j’aime à nommer de la « prestidigitation romanesque ». En effet, si vous ne connaissez pas la fin imaginez seulement cela … . En tant que lecteur vous suivez une histoire, ses intrigues et ses personnages pendant 5 romans. Vous tentez de résoudre les énigmes en même temps que les personnages principaux et vous essayez d’anticiper leurs réactions ou les dénouements, cependant pendant ces cinq volumes vous êtes baladés par l’auteur qui vous démontre de façon logique …. qu’il vous a eu ! Ceci en vous montrant des dénouements inattendus et tirant leur passionnant dénouement de la puissance de la logique de l’auteur. Ce genre de sensation qui vous fait dire : « Mais bien sûr ! Tout devient logique ! ». Et bien c’est un premier niveau de prestidigitation … car l’auteur vous montre dans chaque intrigue des éléments qui vous détournent de la solution de l’histoire, pour mieux vous étonner en vous dévoilant sa conclusion. Cependant le génie de tout cela est de faire en sorte que toutes ces intrigues mises bout à bout soient elles mêmes des diversions qui ne trouvent leur conclusion qu’à la DERNIÈRE page de l’histoire !
Ainsi est la puissance d’un auteur comme Isaac Asimov : changer la vision que vous avez des 5 tomes d’un cycle aussi passionnant en … une phrase sur la dernière page, vous obligeant alors à repenser tous les évènements et implications. On pourrait avoir comme image une série de dominos, tombant les uns sur les autres pour se faire tomber. Et quand vous pensez que le dernier domino va tomber (ce qui à la fin d’une histoire semble évident) alors on se rend compte que le dernier domino résiste, ne tombe pas mais renvoie l’impact en arrière retournant alors tous les dominos dans l’autre sens.
Pourquoi vous parler de cela dans cet article ? Tout simplement pour aborder doucement le fait de se lancer dans la création d’une cosmogonie, c’est à dire la création d’un univers fantastique. Ce terme est assez peu connu mais à lui seul il peut regrouper une passion assez dévorante et qui engage celui ou celle qui s’y adonne à de nombreuses années de travail.
D’ailleurs, quel est l’intérêt de la création d’un univers fantastique ? En quoi cela consiste t’il ? Et bien c’est un intérêt très personnel, un moyen de création et d’expression mais il est réellement très intéressant pour toutes les raisons suivantes.
Tout d’abord, la création d’un univers fantastique répond à un appel créatif. La différence notable entre un scénario et une cosmogonie est le fait qu’un scénario parle d’une histoire dans un univers donné (une enquête policière, une aventure de style « médieval-fantasitique », etc …). L’univers n’est donc qu’un cadre pour servir l’histoire. Or, dans la cosmogonie c’est le phénomène inverse : on invente un univers très spécifique, avec des règles propres à son fonctionnement, on lui donne une histoire (une genèse en quelques sortes) et enfin on le peuple d’histoires, de peuples et de personnages. L’approche est donc totalement différente et le but n’est pas le même.
Pour créer une cosmogonie, il faut beaucoup d’imagination et beaucoup de temps. Pour ceux qui voudraient s’y essayer, sachez en tout cas que plus vous irez loin dans ce travail et plus vous serez dévoré par l’envie de continuer. Il y a souvent un moment de découragement devant l’ampleur du travail à accomplir mais une fois passé ce cap, tout n’est que pure passion et création. Tous les auteurs sont à l’origine d’une histoire (c’est d’ailleurs implicite) mais peu ont développé des univers bien à eux, où ils peuvent ainsi être tel des dieux pour le plus grand bonheur de leurs lecteurs (je pense par exemple à Enki Bilal avec sa trilogie Nikopol).
Le début d’une cosmogonie doit toujours se poser les questions suivantes : quels sont les principes que doit faire transparaître l’univers ? Est ce une sensation légendaire que je veux inspirer ? (comme par exemple Tolkien et sa création du monde de Terra par les Arda) ou bien de crainte dans un univers sombre et désespéré (comme le monde de Warhammer 40K où l’ambiance d’un empire humain nécrosé est opposé au désespoir des puissances du Chaos qui le dévorent à petit feu). Cela permet en général de donner les premières lignes et un état d’esprit de l’univers, sa couleur et ses thématiques. C’est très subtil mais c’est très important pour donner un style à un univers.
Ensuite, basez vous toujours sur la période qui selon vous mérite le plus d’être racontée. Procédez ensuite à reculons pour expliquer les origines de chaque évènement, peu à peu pour vous rapprocher de l’essence même de la cosmogonie, c’est à dire d’expliquer l’origine du monde. C’est alors que les vraies questions philosophiques apparaissent alors car comment donner une explication concrète à l’apparition d’un monde. Donnerez vous une raison scientifique basée sur nos connaissances réelles (et donc vous basant sur des théories modernes) ou ferez vous appel à votre imagination pour extrapoler sur ces connaissances ? Ou bien ferez vous appel à une intervention divine ? Finalement on voit que la cosmogonie nous rapproche de nos propres convictions et nous poussent à tenter de donner NOTRE réponse sur le monde qui nous entoure … ou tout du moins sur le monde que l’on tente de décrire.
Ainsi, c’est un passe temps très prenant et qui vous prendra d’autant plus de temps si votre univers est vaste. Plus l’espace choisi est confiné et plus il sera facile de le borner dans son histoire, sa géographie, etc … . En tout cas le niveau de détail est selon moi toujours infini et on peut toujours aller dans du détail extrême des faits. Pour vous donner une idée des différentes phases de la création de l’univers des Caërions, voilà par quelles étapes j’ai du passer :
- Création des principes de l’univers grâce aux trois principes des Caërions
- Densification des premières ères sans destin et création des Ryns
- Création des dogmes de la cosmogonie (les choses impossibles, ce qui permet d’établir bon nombre d’histoires)
- Densification des ères primordiales
- Premières créations cosmographiques afin de donner corps à cet univers et son jumeau éthéré
- Premières intrigues et conflits primordiaux
- Premières interactions entre primordiaux et ryns
- Densification des histoires des peuples éternels
- Premières approches sur la diplomatie entre ces grandes civilisations
- Premières approches sur les évolutions technologiques
- Apparition des premiers cultes de l’univers des caërions
- Apparition des premières grandes pensées philosophiques des peuples éternels
- Écriture des grandes épopées des peuples éternels jusqu’à l’Angnarsyrk (référence au Ragnarök Viking)
- Nouvelles civilisations post angnarsyrk, premières intrigues entre peuples éternels et mortels et réflexion sur l’éternité et la mortalité
- Développement majeur de la cosmographie et des cartes galactiques
- Grandes descriptions sur les planètes et secteurs principaux
- Densification globale de l’univers jusqu’aux ères adémonianes et de la Kréha jusqu’à la période actuelle
- Intensification des interactions dans l’histoire de ces peuples
- Uniformisation des dates chronologiques pour donner des repères précis dans l’histoire
- Description fine de tous les personnages historiques et premières dynasties apparentes (arbres généalogiques)
- Densification de l’univers cosmographique avec apparition des voies commerciales modernes
- Création des 12 grandes factions modernes et description de leurs objectifs et de leurs ambitions
- Description de toutes les petites factions (+ de 70) ou empires de moyenne importance
- Description fine de toutes les civilisations et secteurs d’influence
- …
Bref, vous pouvez voir par cette liste (non exhaustive mais relativement fidèle à l’enchaînement de mes travaux) que par cette passion et ce hobby, on touche à la fois à l’écriture, l’histoire, la géographie, l’aspect politique et diplomatique, des aspects économiques et militaires, beaucoup de philosophie et de mythologie, et enfin beaucoup de création originale si on va jusqu’à la création de nouveaux peuples, espèces et qu’on leur accole une histoire très dense.
J’espère que cet article vous aura permis d’entrevoir ce qui se cachait derrière ce hobby de cosmogonie. A bientôt pour d’autres détails sur l’univers des Caërions.